A écouter les candidats à la prochaine élection présidentielle, il ne s'agit pas tant de se prononcer pour des idées que de se mettre d'accord sur un bouc émissaire. Pourquoi donc ne pas dire clairement les choses dans tous les sondages dont on nous rabat les oreilles ?
Ainsi, on pourrait imaginer un résultat comme:
Bouc émissaire | % |
---|---|
L'étranger, l'autre | 15 |
La classe dominante | 0.5 |
Le système | 11 |
Les parasites, tous ceux qui ne veulent pas se battre | 27 |
Nicolas Sarkozy | 26 |
Nous-mêmes | 14 |
Si j'ai à peu près compris Girard, on pourrait assimiler l'élection à la désignation d'un bouc émissaire qui nous permettra, en ce moment de crise, d'y mettre fin et de nous rassembler.
D'après ce que j'ai pu lire/voir/entendre de quelques candidats, on distingue relativement bien ces boucs émissaires.
Ainsi, pour M. Le Pen, c'est traditionnellement l'étranger, mais plus généralement "l'autre", celui qui ne pense pas comme M. Le Pen, celui dont elle ne veut pas, de l'immigré à la femme souhaitant avorter.
Pour F. Hollande, c'est très précis, le bouc émissaire porte un nom: Nicolas Sarkozy. Pas moins fédérateur qu'un autre bouc en ce moment, mais peut-être pas plus non plus.
Pour N. Sarkozy, en chantre du néo-libéralisme, du "tous contre tous" au nom de la concurrence universelle, les boucs émissaires sont tous ceux qui ne veulent pas (ou ne peuvent plus) jouer le jeu de cette concurrence: "assistés", chômeurs, syndicats, enseignants, fonctionnaires en général, bref tout ce qui peut représenter de près ou de loin une solidarité. Avec la peur d'être déclassé par les effets de la crise, ce discours continue malheureusement de fonctionner.
La classe dominante est l'ennemi désigné de Nathalie Arthaud. Enfin je crois, mais je n'ai pas bien compris pourquoi elle se présente en disant que les élections ne servent à rien.
Le bouc de F. Bayrou me semble être le système, d'après ce que j'en ai retenu de 2007 et s'il n'a pas trop changé; je trouve le discours assez flou.
Bien que J.-L. Mélenchon semble s'attaquer aux riches dans ses discours, ces derniers ne sont pourtant pas désignés comme boucs émissaires. Ce candidat souhaite une sixième république, munie d'une constitution empêchant la concentration des pouvoirs, les cumuls, etc. C'est-à-dire que le danger vient de nous-mêmes et qu'il faut nous méfier de nous-mêmes, donc garantir des contre-pouvoirs, ne pas concentrer les pouvoirs.
D'une certaine façon, il nous rappelle que le bouc émissaire est innocent, ce qui était, comme le disait Girard (et toujours si j'ai bien compris) le message de Jésus Christ crucifié, lui aussi bouc émissaire innocent. Ce rappel vient du candidat qui parle de plus de laïcité, ce n'est peut-être pas une coïncidence.