C'est la phrase qui (me) rend fou: "Je fais le boulot", et sa variante "J'ai fait le job".
Ce n'est plus "je fais mon travail", qui marquait somme toute une appropriation de l'action. Quand je dis que je fais mon travail, j'insiste sur le fait que c'est moi qui le fais, qu'une part de moi se retrouve dans le résultat. J'ai la possibilité d'apporter mon savoir-faire, mon expérience pour réaliser la tâche qui m'est confiée, j'ai une certaine marge de manoeuvre dans l'exécution, la méthode choisie.
De plus, quand je fais mon travail, je suis responsable du résultat.
Mais si je fais le travail, je me détâche de ce dernier. Comme dans l'expression faire le sale boulot. Je ne fais pas mon sale boulot, mais le sale boulot, la différence dans l'article permettant une prise de distance.
"Je fais le travail". Autrement dit, je n'apporte rien. Le travail à faire est entièrement spécifié, il n'y a pas de marge de manoeuvre, une seule solution au problème. C'est tout à fait commode dans la bouche des politiques, comme notre ancien président. "J'ai fait le travail", j'ai fait ce qu'il y avait à faire, la seule chose à faire possible. Pas d'alternative. Ca ne vous rappelle rien ?
Et si "je fais le travail", le seul possible, de la seule manière possible, je ne suis plus responsable de rien. Moi ou un autre, c'est pareil. C'est le travail. Je lui suis complètement soumis, n'en suis qu'un exécutant.
Ceux qui utilisent cette novlangue montrent leur désinvestissement total de ce qu'ils font. Une phrase dans l'air du temps, en somme.