Dans cette conférence, C. Fauré relève que Bernard Stiegler n'a jamais utilisé la figure de Mètis dans ses travaux.
La réponse de Stiegler n'est pas disponible en ligne, aussi ai-je eu l'occasion de demander à C. Fauré quelle avait été la réponse. Suite à mon insistance pour qu'il publie un billet sur le sujet, Christian m'invite à publier quelques hypothèses sur cette absence avant de répondre. Prêtons-nous donc au jeu :-)
Bien sûr je ne suis pas philosophe, j'ai peu de culture dans ce domaine et je ne connais pas l'oeuvre complète de Stiegler. Je sais surtout que Stiegler étudie le pharmakon, le côté pharmacologique de la technique: toute technique est à la fois poison et remède. Comment se situe la mètis par rapport à ça ?
Une première hypothèse expliquant le fait que la mètis est absente des travaux de Stiegler pourrait être que le concept est assez flou: la mètis est l'"intelligence rusée" (on pourra lire La mètis du développeur et La mètis de Google). Comme le relève Cristian dans la conférence indiquée plus haut, on peut avoir tendance à voir n'importe quelle action comme issue de la mètis: le moindre geste un peu réfléchi, un peu malin. Qu'est-ce qui relève de la mètis, qu'est-ce qui n'en relève pas ?
Je penche plutôt pour une seconde hypothèse. La mètis permet de se tirer d'affaire face à une situation a priori défavorable; par la ruse, un individu peut retourner cette situation à son avantage, en violant les règles d'un combat par exemple, ou en inventant une nouvelle technique pour en contrer une autre.
Dans ses travaux, Stiegler prône plutôt le fait de prendre soin, c'est-à-dire de ne pas nier les aspects toxiques d'une technique ou d'une technologie, mais au contraire de les reconnaître et s'appuyer sur eux pour en tirer parti. On pourra visionner "la société automatique". Les aspects toxiques d'une technologie sont même une condition pour un renouvellement, une remise en question.
Au contraire, on pourrait dire que la mètis évite la remise en question, qu'elle permet de fuir les problèmes: trouver une nouvelle technique pour en contrer ou en coutourner une autre, la nouvelle technique présentant aussi des côtés toxiques qu'il faudra fuir également, dans une sorte d'escalade.